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ni diamant ni néant

25 juin 2013

Je n'ai pas encore la réponse sous les yeux, mais

Je n'ai pas encore la réponse sous les yeux, mais je la connais déjà. Défavorable. J'ai raté mon permis hier, et je peine à remonter la pente, à ne serait-ce que désirer la remonter. Je vois L. demain et je vais me laisser enlacer, parce que même si d'ordinaire je suis mal à l'aise à l'intérieur des bras de quelqu'un d'autre, cette fois, je sais que mon corps aussi bien que mon moral en ont besoin. J'ai besoin d'être rassurée, consolée.

Maman a déjà commencé, et elle remplit chaque jour qui passe, davantage son rôle. Je l'aime plus qu'hier et moins que demain, et je suis apaisée en songeant à tout ça. Maman n'aurait pas pu être une autre qu'elle-même et je n'aurais pas pu être autrement que la fille que je suis. Nous étions obligées de nous déchirer un peu avant de vouloir tout recoudre avec un morceau de scotch. Elle sait que je ne veux pas d'un câlin, ou que j'en veux un si fort que ça ne me ressemble pas. Elle entrouvre la porte de ma chambre et me dit, arrête de pleurer, ça n'est pas la fin du monde, il ne s'agit que d'argent. Elle ferme complètement la porte avant de la rouvrir, après quelques secondes de réflexion. En fait, pleure, fais sortir toute l'eau, ça fait toujours du bien et je le dis souvent, parfois, il faut juste que ça sorte, pour passer à autre chose. 

Les larmes coulent toutes seules. Comme quand je me suis assise, que je m'installais calmement, que j'étais sereine. Mais, mademoiselle, vous n'avez même pas votre code, vous ne pouvez pas passer l'examen de conduite. Une fois, tout mon univers a paru s'écrouler. Et puis j'ai pris le temps de tout recommencer depuis le début et ça s'est relativement bien passé. Jusqu'à hier, lundi vingt-quatre mai. J'étais trop stressée, l'examinateur trop étrange à mon goût, trop silencieux, trop mécontent avant même que je ne m'asseois et allume le contact. J'ai raté mon permis hier. Ce qui m'attriste le plus, ce n'est pas la destruction de mes plans, je suis réaliste, mes plans peuvent très bien fonctionner sans le permis. Je n'ai pas prévu de devenir pilote pour être heureuse. Ce qui m'agace, c'est tout ce temps, tout cet argent qu'il faudra encore utiliser. Tout ce temps et tout cet argent qui ne m'appartiennent pas vraiment. Pas du tout, carrément.

Je me laisse une journée pour me morfondre, mais demain il faudra déjà que j'aille mieux.

C'est mon premier véritable échec, le vrai bouleversement, la vraie désillusion qui ne me servira à rien. Je n'ai rien appris de cet échec, et je n'en apprendrai jamais rien.

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22 juin 2013

J'ai passé la nuit la plus étrange de toute ma

J'ai passé la nuit la plus étrange de toute ma vie. J'ai perdu mon téléphone. Je me suis faite agressée par deux adolescentes. J'ai pris un bain de minuit avec des gens que je connaissais à peine. J'ai mis un pantalon sans sous-vêtements. Je n'ai pas dormi pendant près de seize heures. J'ai jeûné autant de temps. J'ai bu, j'ai fumé. J'ai eu une discussion philosophique avec un SDF. J'ai cassé du sucre sur le dos d'une fille. J'ai dansé sur la pelouse du Mourillon et je m'en fichais. J'ai fumé une cigarette mentholée et ça ne m'a pas dérangée. J'ai beaucoup marché et je n'étais pas fatiguée. J'ai joué au perroquet avec un professeur de... je ne sais plus de quoi. J'ai fait des bulles. J'ai fumé et je me suis baignée dans la mer, simultanément. Je suis restée dehors du début de la nuit au lever du soleil.

Les conséquences?

Finalement, c'est un garçon qui a récupéré mon téléphone. Je vais le récupérer demain. Je ne suis pas plus fatiguée que d'habitude.

Je me suis hautement déçue. Quand cette fille a fait tomber mes lunettes sur le sol, qu'elle les a ramassées et qu'elle n'a pas voulu me les rendre, qu'elle m'a frappée au visage, je n'ai même pas eu envie de fracasser son crâne vide contre le mur derrière elle. J'étais trop vide pour réagir. Je voulais récupérer mes lunettes. J'ai dit que j'allais appeler la police, et elles ont pris peur. J'aurais préféré leur casser la gueule. J'en étais incapable, et ça me déprime.

L. est la meilleure amie que j'aurais pu trouvée, avoir. Elle a été là tout le temps, elle s'est occupée de moi, a retrouvé où était mon téléphone. C'est un ange gardien. Et je me rends compte de la chance que j'ai, de me dire que c'est mon ange gardien à moi. Dans le même temps, c'est un peu égoïste, mais je préfèrerais qu'on me donne mille gifles plutôt que de la laisser à quelqu'un d'autre. Je voudrais qu'elle ne m'abandonne jamais, comme les autres. Et cette nuit, j'ai compris qu'elle n'était et ne sera jamais comme les autres: L. est au-dessus de nous tous, elle nous est supérieure et personne ne s'en rend compte. Même si parfois elle m'agace, ce qui fait d'elle elle est tellement pur et... apaisant qu'elle me ramène toujours là où j'ai toujours voulu aller.

Finalement, la main de la fille sur ma pomette disparaîtra vite. Elle n'a laissé aucune trace. Mais je serai redevable à L. pour l'éternité; même si un jour j'oublierai cette nuit, je n'oublierai jamais pourquoi L. fait partie de ma vie.

20 juin 2013

Il y avait ce garçon au studio, le seul à suivre

Il y avait ce garçon au studio, le seul à suivre des cours classique. Aujourd'hui, je sais qu'il avait la maladie de Gilles de la Tourette, mais je savais déjà qu'il avait quelques problèmes... de coordination. Il ne pouvait pas s'empêcher de jeter son bras en avant, ou d'incliner sa tête sur le côté. Ses mouvements étaient trop saccadés pour être réfléchis. Tout ça traversait mon esprit en un clin d'oeil, comme si moi aussi j'étais atteinte de sa maladie. 

En entrant dans le studio, en passant dans le hall pour aller me changer dans les vestiaires, j'ai entendu sa mère parler avec la secrétaire. Il était près d'elles, avec sa jambe frénétique et son coude qui se pliait et se tendait encore et encore. Il voudrait porter des tutus, qu'elle disait. Ça n'est pas conventionnel, mais il voudrait vraiment porter des tutus, comme les filles. Elle avait cette voix tranquille, qui aurait pu demander la mort d'un homme sans que ça choque personne. Elle disait tout ça d'un air calme, comme si ça n'était pas la chose la plus absurde qu'elle ait eu à dire.

Finalement, avec le recul, je comprends ce garçon. Je ne me souviens plus de son prénom, mais il m'a marquée. J'ai appris que la maladie de Gilles de la Tourette, dont il doit certainement en souffrir, n'affecte pas les capacités mentales, la maîtrise de son intelligence. Il savait parfaitement ce qu'il voulait, et il voulait porter un tutu, d'après sa mère. À l'époque, moi, j'aurais tout donné pour ne jamais avoir à en porter. J'aurais préféré les collants masculins. Nous aurions pu échanger, en cachette. Car en réalité, je n'aurais jamais eu le courage de ne serait-ce qu'en parler à Maman, de mon envie de porter les costumes des garçons.

Si j'y repense, c'est que je l'ai croisé dans le bus, cet après-midi. Je ne sais pas s'il a continué la danse classique, j'ai arrêté il y a trois ans déjà. J'ai été contente de le revoir, comme s'il appartenait au souvenir que j'ai du studio, aux bons moments, loin des mauvais que j'y ai passés. Je voyais sa tête dépasser du siège, et je comptais le nombre de fois où elle remuait d'une manière étrange. J'aurais presque voulu l'embrasser.

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