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ni diamant ni néant
20 juin 2013

Il y avait ce garçon au studio, le seul à suivre

Il y avait ce garçon au studio, le seul à suivre des cours classique. Aujourd'hui, je sais qu'il avait la maladie de Gilles de la Tourette, mais je savais déjà qu'il avait quelques problèmes... de coordination. Il ne pouvait pas s'empêcher de jeter son bras en avant, ou d'incliner sa tête sur le côté. Ses mouvements étaient trop saccadés pour être réfléchis. Tout ça traversait mon esprit en un clin d'oeil, comme si moi aussi j'étais atteinte de sa maladie. 

En entrant dans le studio, en passant dans le hall pour aller me changer dans les vestiaires, j'ai entendu sa mère parler avec la secrétaire. Il était près d'elles, avec sa jambe frénétique et son coude qui se pliait et se tendait encore et encore. Il voudrait porter des tutus, qu'elle disait. Ça n'est pas conventionnel, mais il voudrait vraiment porter des tutus, comme les filles. Elle avait cette voix tranquille, qui aurait pu demander la mort d'un homme sans que ça choque personne. Elle disait tout ça d'un air calme, comme si ça n'était pas la chose la plus absurde qu'elle ait eu à dire.

Finalement, avec le recul, je comprends ce garçon. Je ne me souviens plus de son prénom, mais il m'a marquée. J'ai appris que la maladie de Gilles de la Tourette, dont il doit certainement en souffrir, n'affecte pas les capacités mentales, la maîtrise de son intelligence. Il savait parfaitement ce qu'il voulait, et il voulait porter un tutu, d'après sa mère. À l'époque, moi, j'aurais tout donné pour ne jamais avoir à en porter. J'aurais préféré les collants masculins. Nous aurions pu échanger, en cachette. Car en réalité, je n'aurais jamais eu le courage de ne serait-ce qu'en parler à Maman, de mon envie de porter les costumes des garçons.

Si j'y repense, c'est que je l'ai croisé dans le bus, cet après-midi. Je ne sais pas s'il a continué la danse classique, j'ai arrêté il y a trois ans déjà. J'ai été contente de le revoir, comme s'il appartenait au souvenir que j'ai du studio, aux bons moments, loin des mauvais que j'y ai passés. Je voyais sa tête dépasser du siège, et je comptais le nombre de fois où elle remuait d'une manière étrange. J'aurais presque voulu l'embrasser.

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